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Des retrouvailles
Je t’avais fait la leçon. Depuis plusieurs jours je te répétais, dix fois par jour, avec différents mots et tout autant d’intonations, qu’elle allait arriver. Tu mettais tant d’acharnement à oublier ta vie d’avant, que je m’inquiétais un peu de l’attitude que tu allais arborer. Depuis quelques semaines tu ne voulais plus feuilleter l’album virtuel sur l’ordinateur, et délaissais l’album où les photos collées racontaient notre périple, tu haussais les épaules ou quittais promptement la pièce pour peu qu’on insista trop à ton goût. Nos séances de skype s’étaient espacées et on m’avait tant répété quand j’étais petite que « loin des yeux, loin du cœur » que j’avais fini par le craindre.De son côté, elle répétait ton prénom à chaque fois qu’elle voyait Buzz, elle savait même écrire « Tanh » alors que tu passais sans plus la voir, devant la photo placée sur ton coffre.
Aujourd’hui encore nous passerions notre journée autour d’un patinodrome, et puis, promis nous irions voir la mer, peut-être nous rejoindraient elles pour admirer l’océan ou bien tout au bout de la journée nous les retrouverions sur la place du village.
Puisqu’il en était ainsi, nous arriverions par la route d’en bas, celle dont on ne peut redémarrer qu’en faisant un bruit de tous les diables. Nous ouvririons les fenêtres pour agiter nos bras en signe de bonjour. Nous klaxonnerions pour te faire sourire et faire de ce moment une fête. De là où nous serions placés tu ne verrais rien. Il faudrait que tu nous croies sur paroles quand on te dirait « Elle est là, Lily est là ». Sa maman accroupie à ses côtés lui montrerait la direction d’où venaient les bruits de klaxon. De là où nous étions nous avons alors vu un sourire prendre place sur le visage de la petite fille.
Sur la place du village, je t’ai vu, PetitCoeur, les yeux encore tout remplis de sommeil, les joues rosies par le voyage et le soleil frileux qui tapait de ton côté, sourire. Tu disais « Lily Gaï est là ? ». J’ai lâché ta main que je tenais serrée pour t’aider à descendre de voiture. Tu t’es élancé à sa rencontre. Elle avait déjà fait la moitié du chemin. Tu n’as pas compris quand quelques minutes après papa t’a à nouveau sanglé dans ton siège auto pour prendre la direction de la maison. Je suis montée dans leur voiture. Qu’as tu pensé PetitCoeur ? Tes larmes se sont mises à couler. Pensais-tu que je partais avec Lily, ou bien était-ce sa disparition soudaine qui te mettait dans cet état. Heureusement la distance n’est pas très longue et Papa a réussi à calmer tes peurs.
Arrivés à la maison tu l’as prise par la main pour lui faire visiter ton royaume. Pièce par pièce. Tu lui as montré chacun de tes bonheurs : tes vélos, ton lit rien qu’à toi, tes doudous, la « ir-bor » (Xbox) et tes jouets. Elle a sorti les siens. Assises sur le canapé nous entendions vos rires se mêler, assis à la table du dîner nous avons supposé que tu voulais faire l’intéressant devant Lily, tant ton comportement était différent de celui des autres jours. Tu as mis longtemps hier soir à t’endormir. Je suis allée plusieurs fois te câliner, nous avons papoté selon notre rituel du soir, moi, glissée sous ta couette, tes pieds contre mes jambes et ton rire n’en finissait pas de résonner dans la petite chambre.
Je m’étais demandée si sa venue te ferai plaisir, je m’étais inquiétais que tu ne sois indifférent à Lily et qu’elles en soient peinées. Je crois pouvoir dire qu’hier soir tu étais ravi qu’elle soit là.
Ce matin, ta porte a grincé. Je me suis retournée, tu m’as dit « bonjour, Lily Gaï là ? » Oui mon cœur Lily est là, pour quelques jours encore, pendant lesquels je vais mesurer votre force à être deux.
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