Drôle d'endroit pour une rencontre
C’était le week-end des rencontres. Peut-être même la semaine. Peut-être même l’année. C’était un lundi. Très longtemps dans ma tête ce devait être dimanche. Le week-end de Pâques me fait perdre mes repères. Ce doit être la faute aux cloches… C’était donc un lundi. Elle m’avait dit « Il fera beau ». Depuis le matin je scrutais le ciel, inquiète de voir les nuages venus de l’océan s’amonceler au dessus de ma tête. Toutes les minutes je regardais l’heure s’afficher sur mon portable, pensant à chaque fois qu’un quart d’heure s’était écoulé depuis la dernière fois que je l’avais fait. PetitCoeur montait et descendait inlassablement un escalier bancal en traverses de chemin de fer. Quand il manquait tomber une gentille main le retenait par le col de sa veste, par le bras, par la main. Il ne levait pas la tête pour deviner qui le retenait d’une chute certaine. Il se savait entouré d’amis bienveillants. Autour de nous les cris d’encouragements des spectateurs rivalisaient de force pour leur coureur préféré. Notre athlète avait couru et était ressortie tout sourire de la piste ronde. Elle avait donné le meilleur d’elle même, n’était pas arrivée la dernière et n’avait pas été disqualifiée.
C’est alors que mon téléphone a sonné. Enfin, a vibré. Quand j’ai vu le nom s’afficher sur l’écran, j’ai attrapé PetitCoeur et l’ai installé sur ma hanche. J’ai glissé un mot à ChériChéri et je suis partie à leur rencontre, PetiteChérie sur les talons. « On est là ». Personne. Un doute s’immisce dans mon esprit. Et si on ne se reconnaissait pas. Il faut dire que c’est ma hantise. Parfois j’ai la trouille de ne pas reconnaître mon beau frère quand il vient me chercher à l’aéroport. On m’a tellement dit que je n’étais pas physionomiste. « Vous êtes devant ou derrière, parce que moi je suis derrière » « Devant » « Mais maintenant je suis devant » « on arrive ». C’est alors que nous nous sommes vues. Toutes les deux avec notre téléphone collé à l’oreille, toutes les deux suivies de notre fille. Toutes les deux un grand sourire. Et tout derrière nos maris. Elle a jeté un œil sur PetitCoeur. Je ne sais ce qu’elle a pensé.
Nous avions promis que nous irions voir la mer. Ils nous ont ouvert le chemin. Arrivés sur le parking le paysage était à couper le souffle. Une carte postale. Nous avons couru vers l’eau sans ôter nos chaussures. PetitCoeur tenait fermement ma main et courait la bouche ouverte comme pour absorber les embruns et le goût de l’océan. Il a glissé le bout de sa chaussure dans les quelques centimètres d’eau qui arrivait jusqu’à nous. Nous avons laissé nos doigts tracer deux ou trois lettres, puis nous sommes remontés. Nous nous sommes installés à une table en bois. De celles qu’on trouve sur les aires d’autoroutes, en plus poétique pourtant. Je ne sais à quoi ça tient. Chaque famille bien sagement disposée de chaque côté de la table, nous avons trinqué à Mark. Nous avons beaucoup parlé, mais par pudeur bien des questions n’ont pas été posées. PetiteChérie et Juliette sont restées intimidées l’une par l’autre, la brune et la blonde. PetitCoeur à nos côtés jouait au bucheron-termite, jeu qu’il inventa sur place et dont il a le secret. Quand il fut l’heure de partir notre petit coin de paradis s’était rempli et les promeneurs commençaient à envahir l’espace.
Nous avons passé trois heures ensemble. Presque comme une évidence. Nos chéris respectifs avaient mis un mouchoir sur leur timidité, à moins que ce ne soit un voile de fierté paternelle. Ils étaient heureux que leur femme un peu fofolles les aient fait se rencontrer. A nouveau. Il faudrait renouveler l’expérience, on habitait tellement près.
La photo ne correspond pas à l'endroit. Pauvre de moi, j'avais oublié mon appareil photo!
Allez faire un petit tour chez elle, pour lire ses souvenirs, c'est juste là.
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