Respiration
C’est alors que j’ai posé ma tête sur le coussin tout mou dont il ne m’avait généreusement laissé que la moitié. Il avait tourné la lumière pour ne pas qu’elle l’aveugle davantage et avait passé le pied par dessus la couette. La jambe de son pyjama rouge tirebouchonnait jusque par dessus le genou, offrant son mollet au froid qui avait pris place entre nos murs.
Le bruit de sa respiration m’accueillait. Au dehors, le vent pouvait bien souffler et la pluie tambouriner sur les vitres maintenant sales, notre lit était devenu son cocon pour cette nuit un peu particulière où les éléments se déchainaient. Un radeau de la méduse où avaient pris place les doudous et les petites voitures affolées. Dans un coin de ma tête une petite voix entendue fréquemment il y a plus de vingt ans déjà me disait que « non, un enfant ne doit pas dormir avec ses parents ». D’un coup de chaussette enlevée à la hâte avant de m’engouffrer sous les draps, j’envoyais balader la petite voix lui rappelant qu’au delà d’une taille maximale aucun enfant n’est resté dormir avec moi. Même par temps d’orage. Même par grand souci. Jamais. J’aime à penser que ce n’est pas l’envie qui leur manque, mais l’idée de dormir coincé entre les bras de leur mère ne les laissant pas rêver en paix ne devait pas leur convenir.
J’ai posé ma tête sur l’oreiller, et fermé les yeux. Un petit bras est alors venu me serrer le cou et sa tête a cherché refuge sur ma poitrine. Un instant j’ai pensé qu’il ne dormait pas encore. Qu’il attendait que j’arrive pour apaiser ses craintes face au bruit du vent qui tentait par tous les moyens de rentrer dans la maison. Mais il n’en n’était rien. JoliPetitCoeur dormait déjà à poings fermés. Une auréole humide sous ses cheveux me rappelait nos premières nuits à Hanoï et la respiration hachée des premiers sommeils semblait évanouie.
Je me suis endormie en quelques minutes seulement. Le rythme de sa respiration maintenant apaisée servant de métronome aux battements de mon cœur, me faisait oublier la solitude du grand marronnier dans le tumulte. Sa respiration, médicament à mes insomnies, m’a tenue compagnie toute la nuit. Tout comme ses coups de pieds intempestifs et les quelques paroles entendues au détour d’un de ses rêves.
Au petit matin, quand nous nous sommes levés, le petit garçon avait pris toute la place dans le grand lit. Quant à nous, nous avons cherché asile sur le canapé, à côté de la cheminée allumée qui avait craché sa fumée toute la nuit, laissant flotter une odeur âcre dans le salon.
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