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Jaune
Le jaune avait poussé de l’autre côté de sa fenêtre. Presque sans que quiconque ne s’en rende compte. De petites tiges vertes avaient d’abord pris place sur la grande parcelle de terre marron. Et puis, petit à petit, les tiges avaient poussé jusqu’à devenir hautes de plusieurs centimètres. Au bout des tiges, s’agitaient dans le vent les fleurs jaunes. A perte de vue tout autour de la maison de grandes flaques jaunes avaient pris place dans les champs. Le jaune était presque fluorescent. Parfois tout en haut d’une colline la voiture ralentissait. Tout en conduisant elle retenait sa respiration se sentant plus apte à admirer quand le silence se faisait en elle. Elle lui disait « regarde PetitCoeur, regarde comme c’est beau ». Ses autres loulous souriaient alors au souvenir de ces mots maintes fois entendus depuis qu’ils étaient petits. Ils prenaient leur mal en patience et attendaient que PetitCoeur acquiesce ce qu’il faisait en hochant la tête. Elle ne savait jamais s’il avait vu ce qu’elle voulait qu’il regarde, alors elle ralentissait encore. Pour être sûre. Le jaune lui faisait penser au son du violon. Mélodieux et léger ou vif et acéré. Elle avait devant elle tout un orchestre de violons et d’altos qui s’accordaient pour donner un concert.
S’il arrivait derrière elle à ce moment là, s’il posait un instant ses yeux bicolores sur ses mains qui s’agitaient sur le clavier elle lui raconterait ce jaune.
Les fleurs des tournesols qui autrefois se balançaient elles aussi dans le vent et qui, au fil du temps qui passait, prenaient des couleurs plus sombres, le goût de la moutarde ou de la banane, le goût du citron qu’il n’aime pas du tout quand il l’approche de ses lèvres. Le jaune qui ressemblait aussi au toucher des plumes du poussin quand il fait encore « piou piou » bien au chaud contre sa maman. Le jaune, comment l’oublier, qui était aussi la couleur du soleil contre lequel il lutte et qui pourtant l’attire tellement, la couleur de la lumière qu’il s’amuse à enclencher quand la luminosité se fait sombre. La couleur d’un vent chaud venu du Sahara, la couleur du sable qu’il aime laisser filer entre ses doigts. Pour autant le jaune revêtait pour elle le souvenir du bec du merle venu picorer sur la terrasse les miettes qu’elle avait déposées quand elle était une petite fille. Le jaune avait aussi l’odeur du maïs gonflé dans l’eau chaude dont Maminette se servait pour nourrir les canards, l’odeur de la pomme cuite au four en automne, l’odeur du monoï dont elle versait quelques gouttes dans le creux de sa main pour se sentir immédiatement en vacances. Elle pourrait aussi lui rappeler que dans une autre tonalité le jaune pouvait être la couleur de la tenue des moines bouddhistes, la couleur du sacré, de l’éternité. Celle de l’étoile placée au centre du drapeau du Vietnam.
Bien sûr il entendra peut-être dans la bouche de quelques personnages peu recommandables qu’elle préfèrerait qu’il ne rencontre jamais d’ailleurs, qu’il est jaune. Il cherchera dans sa mémoire tout ce que sa maman lui aura dit de lui. Qu’il a la peau dorée de l’ambre, qu’il a le goût du miel d’acacia, mais nulle part dans sa mémoire de trace de cette condescendance en parlant du jaune. Alors c’est sûr, maman dira que oui pour ceux qui sont noirs en dedans il sera peut-être jaune. Comme tout l’or du monde. Comme le soleil qu’il est depuis qu’il est entré dans sa maison, comme la lumière qu’ils sont à chaque page de ses jours, comme la chaleur dont ils l’enveloppent, comme un grand éclat de rire, qui à bien y réfléchir est jaune. Sans aucun doute.
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Pour commander le petit livre jaune,
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