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Ray et Divine enfants de Brazzaville

Publié le par danslesyeuxdetanh

"Alors ils nous ont appelé.

Une allégresse fiévreuse régnait entre nos murs. Les petits piaillaient, et courraient en tous sens, les plus grands souriaient d'un air entendu. Nous avions déjà vu cette allégresse sans jamais la ressentir pour nous même. Nous avions été jaloux de ceux qui avaient été choisis. Et nous? Pourquoi cela tardait-il?

Ce jour là, ce sont nos deux prénoms qui ont résonné sur les murs de la grande cour. "Ray et Divine!". De loin, alors qu'elle jouait avec ses amies, ma soeur s'est figée et a regardé dans ma direction. Nos regards se sont accrochés. Elle s'est levée mais au lieu d'aller vers Soeur Junelle, c'est de moi qu'elle s'est rapprochée. Je n'avais pas bougé. Tétanisé. J'attendais un signal. Ce fut sa main dans la mienne.

On nous a pris en photo. Ensemble puis un par un. Divine arborait une grimace en lieu et place d'un sourire pour lequel elle s'était tant de fois entrainée dans le noir du dortoir. Tous ses plans tombaient à l'eau. Elle comprenait l'importance de ce moment mais ne parvenait pas à faire comme si ce n'était qu'un passage obligé. Elle était devant le pas de la porte. Allait-elle en franchir le pas ? De l'autre côté la lumière qu'on lui avait annoncée lui blessait les yeux alors que son corps et sa tête ne désiraient qu'une chose basculer de l'autre côté.

Le temps s'est écoulé et à nouveau nos prénoms ont retenti. D'un même pas, nous nous sommes mis en marche vers Soeur Junelle qui nous attendait à l'ombre de la galerie, devant la grande salle aux murs verts et blancs fraichement repeints. Son large sourire ne masquait pas l'inquiétude que j'avais appris à lire dans ses yeux noirs. Sa main posée sur sa hanche épaisse, ses lunettes cerclées d'argent qui étincelaient dans le soleil, sa voix profonde quand elle nous parlait, mon univers se résumait à cette femme et la vision que j'eus d'elle en cet instant resterait à tout jamais gravé en moi. Tatoué. Quand elle nous voyait malheureux elle disait "Dieu est l'auteur de tout sur cette terre, il faut toujours se confier à lui car lui seul connait le tout, le pourquoi et le comment". Il suffisait qu'elle ouvre le bouche pour que mes peurs détalent comme des lapins à leur tour effarouchés. Il suffisait qu'elle sourie pour que mon monde s'éclaire.

Divine marchait dans mon ombre quelques centimètres derrière moi, mais nous n'avions pas les mêmes rêves. Elle voulait une maman à elle, qui la prendrait sur son coeur et lui ferait des tresses d'une main malhabile. Elle avait prévu de ne pas pousser le moindre cri si jamais elle venait à lui tirer les cheveux, elle avait prévu d'être la plus parfaite des petites filles. Je ne savais pas ce que je voulais, mais je savais ce que je voulais : ne pas être déçu, ni que ma soeur soit triste.

Soeur Junelle tenait à la main deux photos. Elle nous fit assoir sur les marches en béton qui brillaient sous le soleil à force d'avoir accueilli de petites fesses dans la même situation que nous en cet instant. Nous l'avons encadrée, nous sommes collés à elle et ça a commencé. Elle nous a dit "ce sont vos parents, ils vont venir vous chercher. Ils attendent qu'on leur donne le signal." Elle nous a dit "ils sont très gentils, ils ont une grande maison". Je la regardais en coin. Comment pouvait-elle savoir tout ça? Que c'était nos parents, qu'ils nous attendaient, qu'ils viendraient nous chercher, qu'ils seraient gentils? Je sentais tout le corps de Divine se contracter sous l'effet de la nouvelle. Une sorte d'électricité s'était emparée d'elle. Son souffle s'était accéléré et je n'avais qu'une peur, que son coeur, jusque là bien à l'abri du bonheur, explose sous l'effet de la nouvelle. Il n'a pas explosé. Le mien par contre s'est envolé. Je ne peux expliquer pour quelle raison, mais le fait est là. Mon coeur s'était envolé et s'est posé sur les piquets de bois qui formaient l'enceinte de la cour. Je crois qu'il y est toujours.
Soeur Junelle a rangé les photos dans la poche de sa tenue. Elle a frappé des mains "tut, tut, tut" qu'elle a dit "filez maintenant".

Les jours ont passé. Elle a continué à prendre des photos de Divine et moi. "Ray, souris un peu tu veux" me disait-elle. Mais jamais je n'ai pu. Le sourire de Divine effaçait le mien.

Les mois ont passé ainsi. Nous avions migré. Terminée la vie tranquille que nous avions avant. Dorénavant nous attendions qu'ils arrivent. Divine pour devenir une petite fille, moi, pour vérifier ce que Soeur Junelle avait raconté.

Petit à petit Divine n'a plus osé me demander combien de temps il nous restait encore avant qu'ils viennent. Petit à petit elle s'est, comment dire, elle s'est éteinte. Le soleil qui brillait dans ses yeux a laissé la place à autre chose que je ne connaissais pas. Petit à petit la colère a enflé en moi.

Les années ont passé. Une, puis deux. A intervalle régulier Soeur Junelle continuait à nous montrer des photos de ceux qu'elle appelait nos parents. Quelque chose aussi avait changé en eux. La joie avait disparu. Il ne restait qu'une espèce de tristesse langoureuse qui semblait les entourer où qu'ils se trouvent : dans leur jardin, en forêt ou dans la maison.

Pour me rassurer je me rappelais "Dieu est l'auteur de tout sur cette terre, il faut toujours se confier à lui car lui seul connait le tout, le pourquoi et le comment". Si moi je ne comprenais rien à la situation, lui, il savait pourquoi nous étions encore ici alors que nous aurions dû être là bas.

Et puis, un matin, ils sont entrés dans la cour."

Cette histoire n'est pas vraiment une histoire vraie. Elle pourrait être celle de Palomino qu'elle a glissée dans un commentaire il y a quelques semaines. Ça pourrait aussi être celle d'autres enfants qui attendent toujours que les gens sur la photo finissent par arriver. C'est le début de leur histoire faite de mots pour expliquer, de temps perdu qui renforce l'incompréhension des enfants et comme dit Palomino : "Il y a tant de cicatrices à soigner, tant de maux à guérir, tant de mots à se dire : que de temps perdu pour ces familles ..."

Alors comme la semaine dernière, celle d'avant et encore avant , je vous invite à liker et à sharer, pour que leur appel soit visible par le plus grand nombre, en espérant que le papillon ici fasse bouger les choses là bas, parce que le 20 novembre c'est APRES-DEMAIN.

Et à nouveau l'appel de S G:

" Pour la journée internationale des droits de l'enfant, le 20 novembre, nous vous proposons une journée de solidarité avec nos enfants congolais adoptés.

Cette journée a vocation à sensibiliser l'opinion publique au sort de nos enfants congolais adoptés légalement mais qui ne peuvent quitter le territoire suite à un moratoire sur l'adoption internationale.

Cette journée est simplement un jour de solidarité, de soutien aux enfants et aux familles concernées.

LE PRINCIPE :

Il suffit de porter en symbole de solidarité. :
- un vêtement ou un accessoire aux couleurs du Congo (rouge, jaune ou bleu)
- ou un accessoire ou vêtement Congolais
- ou encore une photo d'un enfant attendu

N'hésitez pas à poster une photo de vous avec votre vêtement/accessoire coloré ou congolais sur le mur de cet événement !


PARLEZ DE CETTE JOURNÉE AUTOUR DE VOUS,

PARTAGEZ CET ÉVÉNEMENT, INVITEZ VOS AMIS

C'est important pour beaucoup de personnes.

MERCI."

Commenter cet article

S
C'est très beau et j'en suis toute retournée parce que c'est mon fils que j'imagine.
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C
C'Est fait...et petit à petit mon mur de fb se couvre de photos de profil aux couleurs de la rdc...c'est beau!
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P
merci infiniment ... je suis très émue ...
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A
qu'un seul mot : bravo!
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C
je me suis toujours demandé comment notre fille avait vécu les 7 années d'attente, comment elle avait ressenti le départ des autres et elle qui restait, puis les 9 mois d'attente entre la photo qu'elle a eue et notre départ vers elle ... tes mots traduisent ce que je pense... ses mots parfois confirment (quand on apprend qu'un autre enfant de Maoming a trouvé ses parents, elle dit &quot;je suis contente que lui/elle aussi a une famille maintenant, elle/il n'a plus besoin d'attendre, il/elle va être content&quot;).<br /> Merci
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